Le prix est ce que vous payez, la valeur est ce que vous obtenez*

Cher Investisseur,

Ce trimestre, l’instabilité des dépôts bancaires a provoqué l’amorce d’une crise financière. En urgence, les autorités ont déployé les moyens nécessaires pour éteindre l’incendie. Les marchés apprécient. D’autant que le défi de l’inflation semble relevé : elle amorce un recul, sans que, pour l’instant, la hausse des taux ne tue la croissance. Les indices en profitent. L’Eurostoxx 50 et le CAC 40 progressent de plus de 13%.

Néanmoins, l’instabilité financière nouvelle ajoute un peu plus de complexité à la situation. La question de la pérennité de la croissance et de la décrue de l’inflation reste posée. Pour les banques centrales, la situation se complique : un nouveau combat pour la stabilité financière se profile alors qu’elle cherche toujours le nouvel équilibre entre l’inflation, les taux et la croissance. Le cap des politiques monétaires à venir étant incertain, l’amplitude des fluctuations trimestrielles des taux d’intérêts et des indices boursiers est exceptionnelle. Cette volatilité entretient une « fuite vers la sécurité ». Elle profite aux actifs liquides perçus comme sûrs : l’or, les emprunts d’Etats, en particulier la dette américaine, et les actions d’un nombre très limité de marques mondialement connues devenues des mastodontes boursiers. Les Américains ont leurs GAFAM, les Français leurs groupes de luxe. LVMH, Hermès, L’Oréal et Kering représentent à eux-seuls 40% de la capitalisation boursière cumulée du CAC 40. Ce trimestre, ces actions expliquent près de 80% de la progression de l’indice. Ce qui est beau est chaque jour un peu plus cher et un peu plus gros.

Dans le même temps, l’aversion au risque pénalise la plupart des autres segments de marché. Cette tendance ne fait pas nos affaires. Le potentiel de réévaluation de nombreuses sociétés est aujourd’hui ignoré. Avec la fin de l’argent gratuit, la donne change. La hausse des taux devrait provoquer un nouvel équilibre entre le prix et la valeur. L’expansion des multiples, conséquence de la baisse des taux, devrait laisser place à une contraction des multiples résultant de la hausse des taux. Comme au début des années 2000, la correction des excès d’évaluation des valeurs à la mode devrait s’accompagner d’une réduction de la dépréciation excessive des titres délaissés. Comme souvent, les disparités criantes de performance d’aujourd’hui seront les opportunités de demain.

*Warren Buffet

Achevé de rédiger le 25 avril 2023